Je le disais la semaine dernière, je passe moins de temps à la maternelle en ce moment. Il s’y passe pourtant de très belles choses et c’est à chaque fois pour moi un plaisir – je sais que Laurence sera d’accord avec moi – d’aller voir les enfants travailler, jouer et grandir. Le 206, comme on l’appelle entre nous, est un endroit unique où la bienveillance, la générosité et le respect prennent une dimension particulière.

Il m’est cependant apparu l’an dernier que cette belle énergie ne se trouvait pas suffisamment traduite dans nos bulletins scolaires. Je me suis dit que nous pouvions faire mieux qu’un simple catalogue de compétences acquises ou non acquises. Nous avons donc amorcé une réflexion sur notre façon d’évaluer et, plus globalement, sur le rôle que l’évaluation devait jouer dans nos pratiques au sein de la classe. Ce qu’elle devait être ou ne pas être.

Elle ne saurait par exemple être une simple comparaison entre les élèves, ce que certain.es parviennent déjà à faire quand d’autres prennent leur temps. Ce n’est pas le genre de compétition que nous souhaitons. De la même manière l’évaluation ne peut pas se contenter de fixer une norme dont le modèle serait une sorte d’enfant moyen, ni en retard ni en avance, l’enfant du milieu en quelque sorte, celui à qui mes professeurs enseignaient quand j’étais petit sans trop se soucier de ceux qui avaient du mal à suivre ni de ceux qui avaient déjà tout compris. Enfin, l’évaluation ne peut être pour nous un jugement complètement extérieur à l’élève, un regard froid sur une performance à un instant T – le progrès, le chemin parcouru, et celui qui reste à parcourir- nous semble devoir faire partie intégrante de notre travail évaluatif.

C’est en définissant ce que nous ne voulions pas que nous avons fini par affirmer une nouvelle façon d’évaluer que nous avons voulu résolument positive. Nous souhaitons qu’elle reflète toutes les réussites de l’enfant. Nous souhaitons qu’elle offre des objectifs précis, clairement énoncés pour chaque niveau pour qu’elle dessine les contours d’un vrai parcours vers les savoirs et les savoir-faire. Nous souhaitons aussi, pour lui donner du sens, qu’elle implique les enfants, qu’ils comprennent pourquoi et comment ils sont en train d’apprendre. Nous souhaitons enfin qu’elle permette aux élèves de donner le meilleur d’eux-mêmes, qu’elle les oblige à s’investir et se dépasser, non par rapport à une norme quelconque mais par rapport à leur capacité du moment ;  c’est la seule compétition qui nous intéresse.

Comme souvent, c’est grâce à un outil concret que cette évaluation a pu prendre chair et que notre équipe a pu passer de la réflexion à la pratique. Cet outil s’appelle Je valide et les parents de la maternelle vont le découvrir ce soir* (les parents de toute petite section devront attendre encore un peu) quand ils recevront ce que nous continuons malgré tout à appeler les bulletins. Je souhaite remercier en particulier Julien Budrino, professeur émérite de grande section d’avoir déniché Je valide (une application née au lycée français de Washington DC) et d’avoir très largement coordonné le travail d’appropriation afin d’en faire un outil idéal pour The École. Toute l’équipe s’est emparée de ce projet avec beaucoup d’allant et il faut les en féliciter car au-delà du nouveau format que les parents pourront lire (et écouter, et regarder) c’est bien une nouvelle ingénierie de la classe qui s’est mise en route. Nous sommes en effet au début d’une petite révolution pédagogique qui aura dans les mois qui viennent des effets bénéfiques au-delà des bulletins.

Il se passe donc des choses formidables à la maternelle quand je n’y suis pas. Je me demande quelle leçon je devrais en tirer…

Excellent weekend à tout le monde et bonne lecture aux parents de la maternelle !