Quand j’étais petit à l’école, tout le monde parlait la même langue, tout le monde se ressemblait, tout le monde avait le même cartable Tann’s. Tout le monde se connaissait – il y a sans doute plus d’habitants sur la 22ème entre Park et Lexington que dans le village ou j’ai grandi – comme se connaissaient nos parents et nos grands parents avant eux. Nos vies, souvent, étaient un peu tracées avant d’être vécues. Le mécanicien, le pharmacien, l’instituteur, la boulangère, l’infirmière, l’ouvrier, la secrétaire,…La seule chose qui me reliait alors à l’Amérique c’était les quelques séries télévisées que nous suivions à la télévision tous les dimanches (mon papa partageait avec Magnum une moustache bien fournie). Il n’existe pas plus de vol direct entre mon village et New York que de voie toute tracée. L’Amérique pour moi, c’était celle de Tintin : une ligne certes claire mais caricaturale, un ailleurs impossible et impensable.

J’ai été très heureux dans mon école où tout le monde faisait comme tout le monde mais, il faut bien le dire, ce n’était pas le terrain idéal pour penser. On avait du mal à ouvrir nos yeux et nos oreilles sur l’extérieur – nous étions protégés, c’est vrai, mais surtout un peu ignorants, confortés par notre conformisme. Nous tenions le monde à distance bien respectable – effrayés peut-être de ce qui nous y pourrions y trouver. Ce n’est que bien plus tard – trop tard ! –  que j’ai commencé à essayer de penser, grâce aux films, aux livres, à la culture en général et bien sûr aux professeurs qui m’ont inspiré.

C’est encore plus tard que je me suis rendu compte que je pouvais aussi agir et faire de l’école un lieu où les élèves peuvent penser. Quand je dis cela, il ne s’agit pas bien sûr pas de créer un cours spécial pendant lequel on prend un air sérieux et dubitatif et où l’on prend pendant une heure la pause de la sculpture de Rodin. Par pouvoir penser j’entends donner aux enfants la possibilité d’envisager le plus grand nombre de vies possibles, pour que celles-ci soient pensables même si elles semblent différentes. Il faut pour cela que les enfants côtoient des gens qui viennent de tous les horizons, qu’ils lisent des livres dont les personnages ne leur ressemblent pas, qu’ils apprennent tous les jours des choses qu’ils ne connaissent pas ou encore qu’ils partagent au quotidien leur altérité et ce qui les rend uniques.

The École en ce sens est un lieu remarquable et propice à penser. Avec 49 nationalités représentées, une multitude de langues parlées, des familles venant du monde entier et avec des professeurs aux parcours variés, les élèves sont dans les meilleures conditions pour envisager des vies riches, excitantes, pleines de possibilités. Ils sont aussi dans les conditions idéales pour développer les valeurs de tolérance, d’empathie et de respect. A The École nous travaillons chaque jour à ce que les élèves s’émerveillent, à ce qu’ils écarquillent grand les yeux,  à ce qu’ils profitent de chaque minute – y compris sur le temps de la pause déjeuner où les activités se multiplient. Les professeurs continuent à inspirer et ouvrir la voie aux élèves pour qu’ils puissent faire les choix qui les rendront les plus heureux.

Ça peut paraître complètement banal et pourtant tout le monde n’a pas la chance de pouvoir penser. Cela s’apprend, et comme pour tout ce qui s’apprend, mieux vaut commencer dès le plus jeune âge.