Dans le monde de l’éducation nous assistons depuis quelques années à une lutte d’influence entre deux grands blocs que l’on pourrait résumer ainsi à gros traits : à ma droite ceux qui pensent qu’enseigner est un art et à ma gauche ceux qui considèrent que c’est une science. Le groupe qui pense qu’il s’agit d’une science a considérablement gagné en influence récemment. L’absence de formation théorique des enseignants sur les processus cognitifs d’apprentissage surprend toujours davantage. Comment, se demande-t-on, peut-on faire apprendre quoi que ce soit aux enfants sans comprendre comment le cerveau traite les informations reçues ? Est-il possible de faire apprendre sans apport de la neuroscience ?

Ces questions sont entièrement légitimes et font l’objet de débats parfois virulents en France comme ici aux Etats-Unis. Le choix d’une méthode de lecture plutôt qu’une autre devient un choix quasi politique, quant aux méthodes de mathématiques elles suivent tant d’effets de mode au gré des apports de la recherche qu’il devient parfois compliqué de s’y retrouver. Les résultats d’enquêtes du type PISA peuvent sembler contre intuitifs et s’opposer aux données empiriques à notre disposition (sans parler bien sûr des interrogations méthodologiques sur la validité de ces enquêtes et sur l’intérêt des tests standardisés pour obtenir les résultats).

Il y a dans les écoles tous ces questionnements un peu abstraits et puis il y a le théâtre que nous avons vu cette semaine. La magie de la salle qui s’obscurcit pour laisser les enfants dans la lumière. Le bonheur d’entendre ces voix, de voir ces sourires. Le plaisir d’être le témoin d’une complicité qui s’affiche entre eux, avec leurs parents, avec Rémy leur professeur (et je pourrais consacrer un courrier entier à le remercier pour son travail). La joie de retrouver les acteurs à la sortie pour les féliciter, goûter à leur satisfaction et à leur soulagement.

Parfois les choses sont simples : travailler ensemble, se lancer un défi, rire, se coordonner, tirer dans le même sens, être fier de ce qu’on accomplit, se donner les moyens d’y arriver, jouer, avoir confiance en soi et dans les autres, prendre du plaisir, en donner. Tout cela fait partie des apprentissages. En ce qui me concerne, je ressors de ces spectacles avec des convictions renforcées. Je crois que l’enseignement est un art qui a bien besoin de la science. Je crois moins aux méthodes qu’à l’optimisme et à l’énergie comme moteurs fondamentaux des apprentissages. Je crois que l’on peut, même en disposant d’un temps limité, accomplir des choses exceptionnelles grâce à la force du collectif. Je crois qu’il nous faut au quotidien créer pour les enfants des souvenirs inoubliables. Je crois à la primauté absolue de la relation élève-enseignant.

Je le crois parce que c’est comme ça que j’ai envie de vivre mon métier. Mais je le crois aussi tout simplement parce que j’en ai eu la preuve cette semaine en allant au théâtre voir les élèves enthousiastes nous montrer leur travail. Et j’ai été enthousiasmé en retour de me rendre compte que c’est eux qui nous montrent la direction à suivre. C’est une bulle de fraicheur pour moi que de laisser un temps tomber la littérature scientifique pour me concentrer sur ce que les enfants nous disent depuis la scène de l’école qu’ils ont envie de vivre.