Devenir directeur d’école c’est apprendre à ne plus être à côté des élèves à chacune de leur réussite. Pour cela il faudrait être dans la classe avec eux tout le temps. L’apprentissage de la lecture, par exemple, ne se fait pas en un jour : c’est un parcours plein d’obstacles, de signes à décoder, de lettres revêches que l’on connaît pourtant très bien mais qui peuvent faire un autre son quand elles se retrouvent côte à côte. Pour finir par savoir lire, il faut à nos enfants remporter beaucoup de victoires. Les enseignants en sont les témoins et les gardiens pendant que les directeurs sont dans leur bureau à faire on ne sait jamais trop vraiment quoi. Du coup, quand on est directeur, on est cantonné aux victoires plus “visibles” – celles qui appartiennent moins au quotidien. Ce n’est pas qu’elles sont plus importantes – elles le sont toutes – c’est juste que c’est là qu’on fait appel à nous. On prend une photo avec les élèves qui gagnent un concours, on fait un discours quand ils reçoivent un diplôme ou quand ils « graduate »…

Quand les élèves quittent l’école par contre, enseignants et directeurs se retrouvent sur un pied d’égalité. Nous gardons à distance sur nos anciens élèves un regard protecteur et bienveillant : on se réjouit d’une admission dans une belle université, d’une soutenance de thèse, d’un mariage, d’une naissance. On s’inquiète d’une rupture amoureuse, on s’attriste de la perte d’un proche. On s’émerveille surtout et sans fin de ces envols et de ces vies qui se construisent. On se dit, modestement, que nous y avons contribué chacun.e à notre manière.

Ce n’est pas tous les jours que nous prenons du recul pour tenter de mesurer la nature de cette contribution. Mardi soir, lors d’une réunion organisée par Rachel Loble et Melissa Millan nous avons vécu en ce sens un petit miracle en écoutant Lulu, Cora-Louise et Alexandre nous dire avec une très grande justesse ce que The École leur a apporté et comment The École continue aujourd’hui à guider et à informer leurs choix. Vous trouverez l’enregistrement de ces témoignages ici (à partir de 42:35) et je ne peux que vous encourager, tous et toutes, parents et collègues, à prendre quelques minutes pour le visionner.

Les professeurs en tireront, j’en suis certain, une grande fierté. Non seulement du travail qu’ils font dans la classe mais plus largement de leur conviction, de leur appartenance à une équipe et à une culture d’école qui privilégie le dialogue et valorise la place de l’enfant. Les parents auront eux l’occasion de se projeter en voyant à travers Lulu, Cora-Louise et Alexandre se dessiner l’avenir de leurs propres enfants.

Nous ne sommes pas dupes. Nous savons bien que de très nombreuses familles s’interrogent sur l’opportunité de rester à The École jusqu’à la classe de 4ème. Parce que la perspective du passage au lycée fait peur, parce que l’on craint sans doute que le bilingue ne finisse par préparer ni au système français ni au système américain, parce que les effectifs – qui ne sont plus si petits que ça par ailleurs ! – sont perçus comme une faiblesse. La réalité est pourtant toute autre : une myriade d’opportunités pour choisir le meilleur lycée, puis la meilleure université, un rapport privilégié à l’adulte qui permet une réflexion plus poussée, une éthique de travail qui permet d’affronter les programmes les plus exigeants.

Et, en filigrane, une capacité chez ces anciens élèves à articuler leurs propos, à apporter des réponses réfléchies et pertinentes qui laisse voir une intelligence et une maturité dont nous ne pouvons qu’être admiratifs.

Mardi soir j’étais un directeur comblé, fier et formidablement motivé à l’idée de contribuer, même de loin, à l’envol de mes élèves.