Quand Andria était encore professeur de CP à Taïwan (ET responsable de la communication ET coordinatrice des enseignants anglophones ET adjointe de la directrice du primaire ET j’en oublie sans doute) il m’arrivait fréquemment de m’arrêter dans sa classe.

Pendant l’une de ces visites je me souviens distinctement qu’une jeune fille faisait des mathématiques tout en enchaînant les roues avant. De ce micro-événement est né un projet pédagogique qui a animé notre équipe pendant plusieurs années – je suis parti avant d’en voir complètement l’aboutissement – et qui portait sur l’aménagement des salles de classe. Quel type de meubles, quels arrangements, quels espaces de travail permettent-ils aux élèves, à chaque élève,  de mieux apprendre, aux professeurs d’optimiser leur présence auprès de chaque élève ?

À The École nous avons placé la différenciation au centre de notre action. C’est donc tout naturellement que nous avons ici aussi abordé la question de l’aménagement des espaces – encore que sur un prémisse légèrement différent – en se posant cette question : à quoi pourrait ressembler une salle de classe si tous les élèves n’y font pas exactement tous les mêmes choses en même temps ? Il s’agit d’une question éminemment fertile qui, lorsqu’on la pousse jusqu’au bout, vient interroger toutes nos pratiques.

Sous la houlette de Benoît et avec l’aide de Jan, qui est en charge des bâtiments, tous les professeurs de l’élémentaire ont planché sur ces questions et nous ont fait remonter des propositions pour leur salle de classe. Les résultats sont fascinants et montrent un travail réflexif très fructueux sur la place et le rôle que doivent jouer le professeur et les élèves dans l’espace qu’ils partagent. Tous les élèves n’ont pas besoin de faire des acrobaties pour résoudre un problème mais l’idée que tous devraient être assis sur une chaise et derrière un bureau ne fait plus guère de sens. C’est pourquoi il est essentiel que nous mettions nos classes en adéquation avec notre vision pédagogique.

Qu’on ne s’y trompe pas, The École propose déjà des classes très attrayantes avec des meubles flexibles et adaptés aux besoins des enfants. Ils permettent de nombreuses combinaisons et notre travail a consisté en grande partie à percevoir les potentialités offertes par l’existant. En fonction des demandes, des besoins et aussi du budget – un élément pragmatique à ne jamais sous estimer – nos salles de classe de l’élémentaire présenteront donc un visage différent à la rentrée de septembre. Certaines ont d’ailleurs déjà changé en cours d’année comme celle d’Adeline en CM1 qui a suivi une formation sur ce sujet et celles du CP (Sarah Corsin avait d’ailleurs fait partie du projet à Taipei à l’époque où elle était la binôme d’Andria – elles y avaient des classes magnifiquement innovantes ). C’est sans doute justement sur cette classe de CP que les enjeux sont les plus pressants. Le passage à l’élémentaire se double à The École d’un changement de bâtiments et de fonctionnement puisque l’on passe de deux à un seul professeur par salle. Il est important que nous puissions toujours mieux accompagner cette transition qui peut pour certains s’avérer compliquée. C’est la raison pour laquelle on y verra sans doute les changements les plus radicaux: on parle par exemple de casser un mur entre les deux salles (ca fera plus de place pour faire la roue).