Avec le retour des after schools, c’est aussi le retour des conversations dans le lobby avec les parents venus récupérer leurs enfants après un cours de batterie ou de Capoeira. Une belle occasion pour moi, alors qu’il se fait tard et que je me prépare doucement à rentrer chez moi, de discuter avec un papa ou une maman que j’ai par ailleurs peu souvent l’occasion de croiser. C’est comme cela qu’Ilkka, le papa de Cato en CE1, m’a partagé un podcast qu’il venait d’écouter et qui l’avait fait réfléchir.

Dans ce podcast avec Adam Grant il est question notamment de la différence entre ce que les parents souhaitent pour leurs enfants (qu’il soient heureux, épanouis, empathiques et généreux) et ce que les enfants pensent que leurs parents souhaitent pour eux (qu’ils réussissent, qu’ils aient de bonnes notes et obtiennent la meilleure des situations). Cet écart s’explique par le langage et le dialogue quotidien qui s’établit entre nous et les enfants. A la sortie de l’école on leur demandera plus facilement s’ils ont bien travaillé que s’ils ont aidé un camarade, au retour d’un match de foot on leur demandera plus facilement s’ils ont gagné ou marqué un but que s’ils se sont bien amusés. Ces petites phrases finissent par renvoyer une image faussée aux enfants de ce que les parents (ou les adultes autour d’eux) veulent pour eux.

Une première forme de réponse à Adam Grant serait de dire que l’on peut vouloir pour ses enfants qu’ils soient à la fois bienveillants et qu’ils aient des bonnes notes, les deux n’étant pas forcément a priori antinomiques. Or ce double objectif, c’est précisément celui qui est assigné à l’école. A The École, notre mission est de nous assurer que les enfants aient la possibilité d’intégrer les meilleures High schools possibles (donc d’afficher une réussite scolaire de haute volée permettant de se positionner dans ce qui est, qu’on le veuille ou non, une compétition) En parallèle, nous devons nous attacher à développer des compétences personnelles qui donneront aux enfants les outils pour aborder cette compétition de manière moins égoïste (les plus cyniques diront que puisque ces qualités conduisent, comme le dit Grant, à de meilleurs résultats, l’empathie ne serait alors qu’un effet collatéral fortuitement positif de ce qui reste une course au succès).

Mais quel équilibre trouver, dans les mots que nous disons, pour que ces deux objectifs soient tenus ? Pour le chef d’établissement que je suis il s’agit d’une question que je me pose presque tous les jours et pas seulement avec les enfants mais aussi avec les adultes. Comment m’assurer que ma vision pour notre école soit bien perçue de tous et de toutes ? Comment faire en sorte que cette vision ne soit pas parasitée par les micro-décisions du quotidien qui semblent contredire l’idée d’ensemble ? Comme un parent qui sans y réfléchir à deux fois demande à ses enfants s’ils ont bien travaillé à l’école au lieu de leur demander comme peut-être il aimerait le faire s’ils ont fait quelque chose de merveilleux pour aider un copain ou un copine, je sais bien que je peux être coupable, au détour d’une réunion, de trop mettre l’accent sur l’aspect académique – je ne peux alors qu’espérer qu on ne retiendra pas que cela de moi, de ma vision et de comment j’essaie de la communiquer.

Parce que cet équilibre est fragile, il m’apparaît de plus en plus évident que si nous voulons que nos enfants soient aussi bons à l’école que généreux, épanouis et empathiques envers leurs camarades, alors il nous faut sans doute le leur enseigner explicitement, comme on enseigne les mathématiques, la littérature ou les sciences. Je serais donc très heureux d’entendre la communauté dans les semaines qui viennent sur ce que nous voulons vraiment pour nos enfants à The Ecole. Et pour qu’ils l’entendent sans ambiguïté.

Merci Ilkka pour le partage.

Excellent long weekend à tout le monde. L’école sera fermée lundi pour Yom Kippour, je souhaite à ceux et celles qui l’observent d’être inscrits dans le livre de la Vie !