“Guillaume le Conquérant ne voulait pas, justement être appelé le Conquérant” nous rappelait Michel Foucault, parce que ce surnom trahissait le fait que le pouvoir qu’il exerçait sur l’Angleterre n’était pas légitime. On sait bien que l’histoire est écrite par les puissants, par ceux qui ont le privilège de choisir pour les autres ce qui est important de ce qu’il l’est moins.

Nous avons achevé aujourd’hui avec l’intervention de l’artiste Alexis Peskine et la présentation de Laura, la maman de Micah, sur les costumes de super héros dans le film Black Panther, nos célébrations du mois de l’histoire des noirs. Je remercie le comité diversité organisé par  l’association des parents d’élèves qui a largement contribué à animer ce mois hautement symbolique, souvent en coordination avec le comité IDEA de The École (et Miriam en particulier). Des concerts aux fresques murales au musée sensoriel de la maternelle en passant par les différentes présentations effectuées par les élèves, nous avons pu faire ce travail important de “contre-histoire” qui permet de réaliser que “l’histoire des uns n’est pas forcément l’histoire des autres” (je cite encore Foucault dans “Il faut défendre la société”). Il est essentiel en effet de mettre en avant cette histoire des noirs et je suis ravi que la communauté de The École ait pu se saisir de ce moment et en faire un événement heureux et chaleureux et qui nous a aussi permis de célébrer notre diversité.

Avant l’apparition soudaine de l’IA via Chat GPT, l’une de sujets les plus discutés dans les écoles et dans les conférences et les séminaires étaient justement la question de la diversité – ce qu’on appelle communément maintenant le DEIB (Diversity, Equity, Inclusion and Belonging). Au sein des écoles françaises ce débat prend forcément une tournure particulière du fait des profondes différences entre les outils conceptuels que nous utilisons et avec lesquels nous avons grandi. En France, faut-il le rappeler, la question de la République est indépassable. Son idéal est celui de citoyens qui jouissent de statuts, de droits et de devoirs égaux, quels que soient leur origine, leur religion, leur héritage. On s’attachera donc en France à masquer autant que possible les différences, à les taire. Cet idéal se traduit d’ailleurs dans l’école de la république, publique et gratuite, rêvée par Jules Ferry, qui doit permettre à l’enfant des banlieues de réussir aussi bien que l’enfant du centre-ville. C’est un idéal dont on connaît les défauts, c’est un idéal que l’on critique souvent (et avec plaisir puisqu’on est français !) et dont les résultats ne sont pas toujours probants. Mais c’est un idéal malgré tout, et nous le portons car il nous a construit et organise notre vision du monde.

Les conversations autour de DEIB représentent donc un exercice passionnant puisqu’aux Etats-Unis, les différences ne sont pas cachées mais elles sont au contraire revendiquées et célébrées. Cela se traduit là aussi par une manière d’enseigner différente qui laisse davantage libre cours à l’expression de la personnalité des élèves et à leur identité. Cette différence fondamentale de point de vue, je le claironne à chaque occasion, fait la force de The École. Car, loin de s’affronter, ces deux visions du monde doivent se compléter et dialoguer entre elles (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les réflexions sur la politique des identités viennent de France – Foucault en tête – et que la French Theory soit finalement plus populaire aux Etats-Unis ici qu’en France) Comprendre ces différences là, les accepter et s’en enrichir, voilà ce à quoi nous travaillons tous les jours.

En attendant, place à un autre mois et à une autre histoire, celle des femmes cette fois dont la place et la contribution ont trop longtemps été jugées indignes des livres scolaires.