J’aurai la chance de participer le 7 février prochain à un débat sur l’intelligence artificielle – sur son impact dans certains secteurs, sur la manière dont chacun dans son domaine tente de l’apprivoiser et comment, à plus long terme, une cohabitation entre l’humain et l’IA sera non seulement possible mais fructueuse.

Il me faut le clarifier d’emblée, je ne suis pas un spécialiste de l’IA – je fais d’ailleurs partie de ceux qui s’adressent poliment à ChatGPT en m’excusant par exemple de trouver une de ses réponses pas complètement satisfaisante, c’est tout dire. Mais, évidemment, l’intrusion de ce nouvel outil dans nos vies et nos métiers me fait réfléchir et m’interpelle. En premier chef parce qu’on attend souvent immédiatement des réponses de l’école qui devraient être en réaction constante aux soubresauts du monde. Très vite, les questions posées à l’école se sont centrées sur des broutilles ou des babils idéologiques : (tricheries éventuelles des élèves ou discours alarmistes sur la transformation des jeunes générations en zombies ignares). Ce n’est évidemment pas la première fois que l’école est confrontée à des avancées technologiques et il est intéressant de se pencher sur la relation qu’elle entretient avec le progrès.

Il s’agit d’une relation que l’on pourrait qualifier de dédaigneuse, l’école ayant ainsi prétendu pendant longtemps que la télévision n’existait pas, utilisé l’informatique le plus souvent à des fins de simple remplacement et continue à se méfier des smartphones, et de l’internet en général, comme elle se méfie des maladies contagieuses. La pandémie, justement, est encore venue prouver la force de l’institution : loin d’avoir créé un nouveau modèle éducatif, tout le monde est au contraire revenu dans les écoles avec la ferme intention de moins exposer ses enfants aux écrans.

Ceux qui expérimentent avec Chat GPT ont pu se rendre compte de l’extraordinaire rapidité avec laquelle la technologie a évolué en quelques mois. Réfléchir à ce que cela pourrait signifier dans un, trois ou cinq ans donne le genre de tournis que nous éprouvions, enfants, en contemplant le ciel étoilé et la taille incommensurable des galaxies. A The École nous aimons garder cet émerveillement, ce goût du possible et cette curiosité intacts. Nous nous préparons bien sûr aux défis de l’intelligence artificielle (la visite d’une spécialiste est programmée pour le mois de mars pour donner des stratégies simples et efficaces aux enseignants notamment en ce qui concerne la différenciation des apprentissages) mais nous les abordons sans crainte.

Nous rêvons au contraire d’une école – je ne cachais pas ici mon optimisme Deweyen pour une école de l’espoir –  dans laquelle le temps que nous fera gagner l’intelligence artificielle nous en laissera d’autant plus pour devenir de meilleurs êtres humains, plus intelligents, plus éduqués et mieux conscients du monde qui nous entoure. Il y a quelques mois  on menait une expérience à Harvard dans laquelle 60 étudiants en éducation devaient apporter une réponse à un cas épineux (en l’occurrence dénoncer ou pas un adolescent à la police pour avoir pris de la drogue, au risque de gâcher tout le travail mené avec lui). Nos experts ont mis une heure à offrir des solutions et l’IA a mis deux minutes à cracher mécaniquement exactement les mêmes suggestions. L’IA c’est donc aussi faire face à notre propre prédictibilité et à la normativité de nos réponses et de nos réactions. C’est exactement ce que nous voulons éviter à The École où l’intelligence n’est pas seulement artificielle et où l’imagination, plus que jamais, doit être au pouvoir.