Nous avons tous formé cette semaine à The École une grande chaîne de l’unité. Inspirés par le capitaine de leurs maisons, nos élèves ont écrit dans chaque boucle, un mot, une phrase, un dessin, pour exprimer la gentillesse, l’inclusion, et les liens qui nous unissent. Mercredi nous avons porté du orange – j’en profite d’ailleurs pour remercier chacun.e de leur participation à cette journée qui déjà devient une tradition à The École – et avons ainsi toutes et tous montré notre attachement à ces valeurs.

Malheureusement le monde ne porte pas d’orange en ce moment, loin s’en faut. La souffrance est immense, elle est intolérable. De Gaza, d’Ukraine, d’Israël, les images dont nous sommes les témoins nous assomment et nous meurtrissent. C’est que, comme le disait John Donne, nul homme n’est une île, que la mort d’une personne, sa douleur, l’horreur qu’il vit, c’est toujours un peu la nôtre et que c’est cela être humain. Et jamais sans doute nous sentons-nous si impuissants : vers qui se tourner pour que cessent ces ignominies ? Et cette question lancinante pour tous mais peut-être encore plus pour les éducateurs : Comment empêcher que cette violence entraîne toujours plus de haine entre les générations futures ?

Je voudrais essayer, bien modestement, d’apporter un tout petit peu d’espoir en prenant un exemple de ce que représente pour moi la puissance de l’Éducation à travers le travail qui a été mené en Europe – un continent sur lequel il y a tout juste 80 ans on commettait les pires atrocités. Ce travail global autour de la mémoire, je le comprends mieux maintenant, il s’est mené dès l’école. Par l’apprentissage universellement disponible, par exemple, de la langue et de la culture allemande dans les collèges français. Par une lutte intense contre l’utilisation de termes péjoratifs pour parler de l’ancien ennemi, car changer la manière dont on parle de quelqu’un c’est déjà transformer ce qu’il représente. Par une multiplication des voyages, des rencontres et des échanges, par les compétitions sportives, ou encore par l’étude de la musique et de la poésie. Par la découverte de récits où la bravoure prend place bien loin des champs de bataille. Par l’incitation à comprendre l’autre, à se mettre à sa place.

C’est grâce à cette puissance de l’Éducation – et, faut-il le rajouter, de la volonté politique – que la génération de mes parents, la mienne et celles qui ont suivi ont pu grandir sans le fardeau du ressentiment et de la haine de l’autre. Je suis souvent le premier à critiquer le fait que l’on demande beaucoup à l’école, que la tâche peut nous sembler depuis nos salles de classe parfois impossible tant les enjeux sont colossaux. Mais le besoin absolu de grandir en paix, le refus entêté de la violence, le rejet non négociable des souffrances de l’autre, tout cela nous sommes en droit de le demander à l’école. Nous en avons, en réalité, le devoir.

Nous avons cette semaine une pensée particulière pour tous ceux et celles d’entre vous – où que ce soit dans le monde, y compris dans des endroits dont on nous parle moins – qui sont plus directement affectés par la cruauté des hommes. A The École nous portons du orange tous les jours pour vous et mettons toutes nos forces au service d’un projet éducatif qui rende toute souffrance insupportable.