Comme la poupée de Polnareff, je fais non très souvent en ce moment. Ce n’est pas une posture dans laquelle je me complais et, pour être franc, pas exactement l’image que je souhaiterais projeter, mais voilà, les circonstances l’exigent. Il me faut jouer un peu au directeur grincheux: non, on ne peut pas emmener de gâteaux pour les anniversaires, non on ne peut pas jouer avec sa copine qui est dans l’autre cohorte, non on ne peut pas tout de suite revenir à l’école même si dans le fond on sait bien qu’ on n’ est pas si malade que ca, non on ne peut pas immédiatement avoir accès au lien Zoom,…Bref, je passe mes journées à faire non, non, non et croyez-moi cela ne m’enchante guère. D’autant que vous savez comme moi qu’il est préférable de ne pas trop utiliser de tournures négatives avec les enfants: c’est pourquoi on les incitera par exemple à marcher dans les couloirs plutôt que de leur crier “ne cours pas!” , ou qu’on évitera de leur dire qu’ils se trompent en les invitant à bien réfléchir: “ Tu es certain? “ 

L’une des difficultés avec cette rentrée, c’est que, créatures optimistes que nous sommes, nous avons tendance à penser que notre nouveau normal n’est que passager. Notre horizon se situe à quelques semaines « quand les choses iront mieux ». Ce qui a eu pour effet, sans doute, que nous avons fait l’économie d’une réflexion positive à base de solutions et d’alternatives. Non on ne peut pas emmener de gâteaux pour les anniversaires, mais alors que mettre en place alors pour célébrer cet événement si important dans la vie de chaque enfant? Non, on ne peut pas, de façon systématique, mettre en place le matin même une classe virtuelle pour chaque absence, mais alors comment garantir un suivi confortable, efficace et de qualité pour tous?

C’est une réflexion qui n’est pas si difficile en soi mais qu’il est compliqué d’entamer car elle signifie d’une certaine manière admettre ce que précisément nous n’avons pas envie d’admettre. Je sais qu’à titre personnel, ma famille et moi évitons par exemple de parler des vacances d’hiver pour ne pas avoir à faire face à ce qui pourtant devient chaque jour un peu plus évident: que nous ne les passerons pas ensemble. Aujourd’hui à l’école – dans toutes les écoles – on est prompt à surtout envisager le scénario d’une nouvelle fermeture et des modalités d’enseignement si cela devait se produire  (The École est d’ailleurs bien positionnée sur ce sujet avec son plan d’action détaillé). Se préparer à  cette éventualité est évidemment essentiel, mais il nous faut aussi envisager une autre éventualité, moins dramatique et plus prosaïque, celle d’une situation actuelle qui perdure pour des mois encore, peut-être pourquoi pas pour l’intégralité de l’année scolaire. 

Il nous faut alors réfléchir à toutes nos pratiques, des gâteaux d’anniversaire à l’accès au online, des moments de détente à la structure de nos journées. Parce qu’on ne peut pas dire toujours non à tout, il nous faut bien repenser comment dire oui. En respectant la sécurité des enfants, c’est une évidence, mais aussi en considérant le moment unique que nous vivons comme une opportunité pour devenir encore meilleur et inventer une nouvelle manière de faire l’école, revisiter nos pratiques habituelles pour en faire naître de nouvelles   C’est une réflexion qui nous concerne tous – on n’est pas parent d’élève de la même manière cette année qu’on ne l’était encore l’an dernier – et je suis heureux de pouvoir la mener entouré d’une équipe et d’une communauté aussi soudées et déterminées à offrir le meilleur aux enfants dont nous avons la charge.